(Re)Découvrir La Couleur Pourpre en 2023

Written by on 20 décembre 2023

Après une bande-annonce qui a affolé le Black Twitter et les Noir.e.s du monde entier sur tous les réseaux depuis le début de l’année, puis des images très glamour de l’avant-première du remake de « The Color Purple » la semaine dernière, la nouvelle adaptation cinématographique de la « Couleur Pourpre », le célèbre roman épistolaire d’Alice Walker, prix Pulitzer de la fiction en 1983, est en train de devenir un nouveau phénomène. Adapté une première fois au cinéma en 1985 par Steven Spielberg, avec au casting Whoopi Goldberg, Dany Glover, et Oprah Winfrey, entre autres, voilà la version 2023, boostée, avec un casting de rêve et version comédie musicale, avec Steven Spielberg et Oprah Winfrey à la production. L’occasion rêvée pour toute une jeune génération de (re)découvrir cette œuvre puissante qui a inspiré nombre de femmes noires à travers le monde.

 

Au début des années 1990, j’avais 6 ou 7 ans quand je suis tombée la première fois sur l’exemplaire français de La Couleur Pourpre dans la bibliothèque de ma mère. Le livre avait déjà visiblement bien vécu, puisque les pages étaient jaunies, et le bord droit de la première de couverture était bien corné. Moi qui adorais déjà lire, j’avais été fascinée par l’image de ces deux jeunes filles noires, debout sur une balançoire, comme hypnotisées par un livre qu’elles partageaient. Je ne le savais pas encore, mais c’était une photo tirée de l’adaptation cinématographique de Spielberg, sortie un an après ma naissance, et qui montrait Miss Célie en train d’apprendre à lire avec sa sœur, Nettie.

Je l’ai dévoré d’une traite ! J’ai été choquée, bouleversée par les émotions intenses et violentes qu’Alice Walker avait su traduire avec ses mots. Imaginez l’effet sur une gamine de cet âge. Quelques semaines après, je l’ai relu, car fascinée par cette histoire et l’écriture si imagée d’Alice Walker. Au choc, a fait place l’admiration.
L’admiration pour ces femmes afro-américaines fortes, qui ont tout subi de la vie, et qui pourtant se relèvent, malgré leur vulnérabilité, avec une résilience flamboyante.

Plus tard, à l’Université, en fac de Philo, j’ai réalisé à quel point La Couleur Pourpre était une œuvre capitale pour les femmes afro-américaines ; pour les femmes noires de façon générale.Les thèmes abordés dans l’ouvrage, des années après sa parution, pour la jeune adulte en construction que j’étais, me paraissaient alors d’une extrême actualité.
À vrai dire, aujourd’hui encore, à l’aube de la quarantaine, je reste convaincue que La Couleur Pourpre demeure d’une acuité rarement, voire jamais, égalée, et, malheureusement, d’actualité.
En effet, ce livre, est l’un des rares devenus aussi populaires, avec ceux de feue Toni Morisson, à avoir joué un rôle aussi crucial en offrant une représentation authentique et sans filtre des femmes noires et de leurs luttes. Le roman d’Alice Walker a été l’un des premiers à explorer aussi ouvertement les questions de race, de genre et de classe sociale dans la communauté afro-américaine. Et en adaptant fidèlement le livre au cinéma, Spielberg avaoit réussi à capturer la complexité des personnages féminins, et à mettre en lumière les problèmes auxquels ils étaient confrontés. Ce faisant, il a contribué à briser les stéréotypes et à humaniser les femmes noires dans la pop-culture internationale, leur offrant une voix et une visibilité nécessaires pour favoriser leur autonomisation.

En effet, La Couleur Pourpre met en lumière la quête d’autonomisation des femmes noires, en particulier à travers le personnage principal. Célie est, on ne peut le nier, emblématique de cette lutte pour l’émancipation et l’affirmation de soi. Elle a tout subi : le viol par son beau-père, avec à la clef deux enfants qu’on lui enlève ; le mariage forcé à un homme violent ; l’esclavage domestique ; le contrôle de tous les aspects de sa vie par son mari et sa famille ; la séparation forcée d’avec sa sœur ; l’humiliation ; la chosification, et j’en passe.

 

Mais Alice Walker nous montre que tôt ou tard, les personnes supposées faibles et insignifiantes comme miss Célie peuvent aussi s’affirmer et exister en puissance.

À travers son parcours, le livre, et aussi le film, encourage les femmes noires à se libérer des chaînes de la société patriarcale et à se réapproprier leur identité. À être, tout simplement.

 

Alors, en 2023, qu’a de nouveau à nous apprendre La Couleur Pourpre, avec cette adaptation en mode comédie musicale, avec Halle Bailey, Taraji P. Henson et la chanteuse Fantasia Barrino (American Idol, 2004) ?

Et c’est Oprah Winfrey, qui avait interprété le rôle de la djòk Miss Sophia dans l’adaptation de 1985, qui répond le mieux à cette question : « Tant qu’il y a un besoin de découverte de soi, d’autonomisation, tant qu’il y a un besoin de victoire dans la vie de quelqu’un, tant qu’il y aura un besoin pour les gens de savoir ce que c’est que d’être aimé et d’être rempli et de s’accrocher à l’amour de quelqu’un d’autre, il y aura un besoin pour ‘The Color Purple’. Les gens qui viennent voir ce film seront guéris parce que j’ai été guérie. »

Dans un monde qui se pare de modernité et de pseudo progressisme pour faire passer crème la régression des droits des femmes en général, en en particulier ceux des femmes noires où qu’elles soient, surtout pour de jeunes générations qui ont banalisé une série de représentations et de pratiques problématiques véhiculées par les médias de masse, cette nouvelle adaptation, avec des stars jeunes et populaires, est une bénédiction.


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