À l’Assemblée générale de l’ONU, Mia Mottley plaide pour un leadership stratégique moral mondial
Written by Axelle Kaulanjan on 25 septembre 2023
Depuis la semaine dernière, les discussions à l’occasion du Débat de la 78ème session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies*, à New-York, sont en cours. Vendredi 22 septembre, Mia Mottley, Première Ministre de la Barbade, a, comme à son habitude, délivré un puissant discours. Discours dans lequel elle a plaidé en faveur d’une refonte du leadership mondial, tout en enjoignant de porter une attention particulière à la situation en Haïti et Cuba. Focus sur la femme forte de la Barbade qui est en train de révolutionner la culture du leadership transformationnel.
En deux ans, elle est devenue une leader internationale incontournable dont les prises de position et les discours à fort impact entraînent un mouvement vers le progrès. Depuis son puissant discours sur le changement climatique, en 2021, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies à New-York, Mia Mottley, la Première ministre de la Barbade, incarne un renouvellement de la culture du leadership dit transformationnel, alors même que la Barbade ne fait pas partie des grandes puissances mondiales.
Vendredi dernier encore, à la même tribune, dès les premières minutes de son discours, elle a tenu un langage de vérité, puissant d’humanité et de fraternité, en rappelant au leaders politiques internationaux que « le monde doit une résolution à Haïti, ce n’est pas une option, le monde doit une résolution à Haïti ». Elle a aussi insisté sur le fait que « Cuba ne peut pas aider tant de pays dans le monde et continuer à être victime d’un embargo de pus de 60 ans ». Pour la PM barbadienne, aucune force, aucun pays ne doit être laissé sur le bord de la route alors que « l’on a besoin de toutes les forces pour sauver la planète ».
En octobre 2021, dans les colonnes du « Progrès Social » en Guadeloupe, j’écrivais que « la crise mondiale provoquée par la pandémie de Covid-19 a poussé les individus et les organisations à revoir leurs façons d’échanger et de mener à bien les relations interpersonnelles et institutionnelles, ainsi que leur façon d’exercer le pouvoir, chacun à leur niveau. Et ce, quel que soit ce pouvoir », et que l’idée et la culture du leadership devaient nécessairement être redéfinies afin que les plus vulnérables, celles et ceux que l’on n’a pas l’habitude d’entendre ou de voir, soient inclus partout afin d’impulser un nouvel élan de progrès, au vu des temps troubles que nous traversons.
Deux ans plus tard, après deux COP et une guerre en Ukraine qui prend une dimension mondiale qui impacte fortement l’économie de tous les pays, une inflation galopante, et des effets du changement climatique de plus en plus terribles – en particulier pour les petits territoires insulaires, ce renouveau du leadership est plus que jamais nécessaire.
Et c’est précisément ce qu’incarne Mia Mottley. En dehors d’être une stratège politique efficace, ayant réussi des coups de maître à la Barbade – notamment se faire réélire et nommer de nouveau Première ministre après une dissolution du Parlement en décembre 2021, elle a su porter, au plus haut niveau international, les inquiétudes des petits territoires insulaires face au changement climatique, et faire comprendre l’urgente nécessité de redéfinir un pacte monétaire et financier international.
Ce qui a conduit les grands de la planète à se réunir les 22 et 23 juin 2023 au Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, où des discussions ont eu lieu, puisque les accords de Breton Woods (1971), comme l’a vigoureusement souligné Mia Mottley, sont désormais obsolètes et ne correspondent plus à la réalité du XXIème siècle.
Et cela, elle le martèle depuis deux ans. Elle est sur tous les fronts, faisant de chaque déplacement international une opportunité de défendre cette cause. Pour cela, elle sait qu’elle peut désormais compter sur un soft-power barbadien qui s’est subtilement développé autour de deux évènements majeurs, en dehors même de ses discours aux punchlines inspirées du reggae :
- L’avènement de la République de la Barbade en novembre 2021, après s’être officiellement détachée du Commonwealth britannique ; devenant dans la foulée une République faisant une grande place au leadership féminin, avec une femme, Dame Sandra Mason, comme première présidente, et aussi une Première ministre, en la personne de Mia Mottley.
- La nomination de Rihanna, la chanteuse barbadienne multimilliardaire, à la tête d’un empire de cosmétiques et de mode, en tant que « National heroe », héroïne nationale. Après avoir été Ambassadeur de la Barbade durant des années, et après des années aussi à promouvoir gracieusement le carnaval et la destination de la Barbade, ce titre d’héroïne nationale est non seulement un signe de reconnaissance du pays envers Rihanna, mais aussi un pivot important d’une fine stratégie de mise en lumière du pays et de déploiement de son soft-power à travers sa culture, ses personnalités inspirantes, et cette culture du leadership transformationnel dont Mia Mottley est devenue un symbole absolu.
Et le président de la République française, Emmanuel Macron, ne s’est pas trompé en se rapprochant de Mia Mottley lors de la dernière COP à Charm-el-Cheik. Peu de temps après cette grande messe mondiale sur le climat et l’environnement, Mia Mottley a reçu à la Barbade Chrysoula Zacharopoulou, la Secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux. La leader barbadienne avait savamment veillé à mettre en scène leur rencontre : pieds nus, bermudas blancs retroussés, face à la mer et discutant d’affaires stratégiques. La photo a fait le tour du monde. Mia Mottley était désormais devenue LA femme qui compte à l’international. Mais cela, on le savait déjà, puisqu’elle avait été nommée parmi les 100 personnes les plus influentes par « Times Magazine » en 2022.
Quelques semaines après, direction Paris, où elle était reçue en grandes pompes par Emmanuel Macron afin de préfigurer ce nouveau pacte financier mondial.
La suite, c’est désormais l’Histoire qui est en train de s’écrire sous nos yeux en nous prouvant que le leadership, celui qui impulse la transformation et le progrès des sans voix, n’est pas conditionné par la taille ni la puissance économique, mais plutôt par la volonté d’inclure celles et ceux qu’on n’entend pas habituellement en mettant en place des stratégies où l’intelligence et l’émotions sont reines.
Ce leadership à la Mia Mottley, comme tout leadership qui se respecte, redonne espoir. Nous en avons bien besoin par ces temps qui courent.
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* L’Assemblée générale est la principale instance d’élaboration des politiques des Nations Unies. Rassemblant tous les États Membres, elle offre un espace de discussion multilatéral unique pour débattre de l’ensemble des thèmes couverts par la Charte des Nations Unies. Chacun des 193 États Membres des Nations Unies dispose d’un vote égal.
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